TOP COPS de Kevin Smith – Critique

TOP COPS de Kevin Smith – Critique

Par Romain Sérir

« J’ai fait comme Soderbergh, un film pour eux pour un film pour moi ». Voilà la phrase que Kevin Smith, icône des geeks aux Etats-Unis a balancé quelques mois après la sortie de Cop Out (d’abord intitulé Cop of Dicks aux USA puis Top Cops en France. Allez savoir ! ).Un aveu inquiétant et peu stimulant pour tous les fans de Kevin Smith  (et dont je suis le chef de file incontesté en France !) qui se débattent pour qu’on considère enfin le gros bougre comme un vrai artiste geek important. Surtout que après des films sortis en catimini dans quelques salles, juste histoire de faire genre (Clerks 2) ou carrément inédit (Chasing Amy, Zack and Miri Make a Porno : bonjour l’incitation aux piratage !) Cop Out avait au moins la chance d’avoir une vraie sortie ciné française due surtout à la présence de Bruce Willis au casting.

Mais avant de rentrer dans le vif du sujet et révéler si oui ou non le film est réellement un bide fait pour ramener de l’oseille à Askew (maison de prod. du réalisateur), revenons un peu sur la carrière du bonhomme.

Kevin Smith

Kevin Smith est un enfant du New Jersey, un geek fan de comics et de Star Wars, qui a créé un buzz monumental à Sundance dans les années 90 avec un film fait avec l’argent de ses études en crédit et quelques potes de lycée. Ce film s’est Clerks, gros succès critique et public. Le film est sans doute (historiquement parlant) l’un des plus important de l’histoire des débuts du cinéma dit « indépendant » avec Pulp Fiction. Tous les deux sont d’ailleurs rachetés par Miramax et les fameux frères Weinstein dont Smith devient un très proche ami et collaborateur. A ce moment, le jeune débutant est alors presque considéré comme une sorte de « Wood Allen geek » avec ses blagues sur le sexe, ses longs dialogues et son amour pour la banlieue du New Jersey opposé au Manhattan petit bourgeois d’Allen.

Mais l’étiquette d’auteur, Kevin Smith s’en fout bien et dès ses films suivant il n’hésite à prendre l’argent là où il le faut pour faire des films plus divertissant, où seul l’amour immodéré pour la communauté geek reste un background indissociable de sa personne (Malrats, le superbe Chasing Amy, et l’inégal Dogma en tête). Désormais adulé et auteur de comics (dont certains Dardevil et Batman de bonne facture), il créé un couple iconique de la fumette qui fait rire avec son pote Jason Mewes – les fameux Jay and Silent Bob- et devient un comique de one man chow avec ses multiples conférences « An evening with » tous hilarantes mais qui deviennent au fur et à mesure de vrai spectacles en son nom. Un vrai marchandising et un culte est donc créé autour de sa personne aux Etats-Unis (ou le bonhomme possède une boutique de comics le rêve quoi !) mais qui n’a bizarrement jamais atteint une vraie popularité en France. Saviez par exemple que son Clerks 2 avait reçu dix minutes de standing ovation à Cannes lors d’une séance spéciale ?

Jay & Silent Bob

Pourtant Smith n’est pas non plus un « grand » cinéaste  ni un génie irréprochable. Comme tous geeks faillibles et à l’image de ses fans dont il ressemble beaucoup, il s’avoue souvent perfectible et capable du pire comme du meilleur. Dès qu’il s’agit de travailler avec l’une de ses icônes comme Bruce Willis, il sera donc prêt à toutes les concessions. Ainsi il enchaîne comme comédien avec une horreur comme Die Hard 4 qu’il défend malgré tout, et finit par accepter un projet poussiéreux de buddy movie que Willis aimerait lui confier sous la main mise des studios. Dans l’impasse depuis quelques temps avec un projet très personnel de film d’horreur qu’il n’arrive pas à financer, il profite donc de l’occasion pour se rendre bankable aux yeux des studios, séduit par l’idée de réaliser un film type de flics avec « le dernier samaritain » mais aussi Tracy Morgan grande star de 30 Rock en tête d’affiche.

Seulement voilà, le réalisateur pour la première fois, travaille avec un scénario et des dialogues qui ne sont pas les siens et dont il ne retoucherait selon les crédits aucune réplique. A l’arrivée, le film s’avère donc boursouflé par un scénario totalement à l’ouest qui semble avoir été écrit d’une traite. En gros, deux flics tentent de récupérer une carte de baseball d’une valeur inestimable pour que l’un deux paye le mariage de sa fille. Smith tente vainement d’y raccrocher le film aux prestations outrancières de ses acteurs qu’il laisse improviser sur de très longs moments devant la caméra alors que lui-même avoue détester l’improvisation. Un décalage qui témoigne de l’engagement en demi-teinte du réal qui tente de sauver les meubles comme il le peut. Le film souffre donc de gros problèmes de rythme assez coutumiers des nouvelles comédies, mais est aussi entaché par des scènes d’action pas très bien foutues et un jeu de Tracy Morgan franchement fatiguant à longue. Sans parler des méchants gangs de mexicains dans le film, qui jouent juste aussi mal que Corinne Touzet dans n’importe quelle production de TF1 (oui je sais c’est gratuit mais c’est vrai !).

Pourtant, et je dis ça en toute honnêteté, le film s’avère malgré tout assez plaisant. D’une part parce que le duo de flics débiles fonctionne plutôt bien. D’autres part parce que Smith réussit à exploiter le coté volontairement grossier et vulgaire du film durant des rares séquences où on sent que le réal a joué le script doctor d’urgence. Et je suis peut-être le seul à trouver ça drôle, mais voir Bruce Willis qui dessine un gros pénis sur une vitre teintée pour simuler une fellation durant un interrogatoire, ou discuter avec son collègue des singes qui pratiquent le sexe oral à la TV, moi ça me fait franchement marrer. C’est d’ailleurs encore plus dommage de constater cela qu’on se dit qu’écrit par Kevin Smith de A à Z en indépendant le métrage aurait pu devenir culte. Certaines pistes du film, comme le flic cocu ou la mort grotesque d’un second rôle sont d’ailleurs vraiment super bien traitées mais vite annihilées par des twists finaux assez pourris. Le meilleur restant une scène d’exposition banale entre Bruce Willis et le nouveau mari de son ex-femme (interprété par son acteur fétiche, l’excellent Jason Lee) qui est une pure scène à la Kevin Smith d’un niveau bien supérieur à la facture médiocre qui émane du reste de cette comédie. Le film n’en reste pas moins une petite déception mais reste très sympathique quand on reconnaît l’apport modeste du réalisateur.

Alors oui je sais vous allez me dire que je dis ça parce que j’adore Kevin Smith et que je ne suis donc pas impartial, et que même s’il avait fait Wolverine j’aurais dit la même chose ! C’est dans un sens vrai. Mais c’est aussi ça la force du bonhomme de réussir à vous faire aimer même ses petits ratages. Et à la vue de son plutôt bon score au box office US, on espère maintenant retrouver Smith en forme pour une pure comédie geek ou même un petit film d’horreur du moment qu’il en est le vraie auteur. En attendant comme dirait Jason Mewes : « Snooch to the Nooch »!

Top Cops de Kevin Smith

Sortie le 23 juin 2010

Distributuion : Warner Bros. France